Amorgos

Une île des Cyclades, parmi les plus belles, sauvage et délicate. Ses maisons renvoient vers le soleil le blanc éclatant des couches de chaux inlassablement apposées sur les murs, que le bleu intense des portes et des volets magnifie.

 

J'avais emprunté là une route incertaine qui, après quelques kilomètres, s’était prolongée en un chemin de maquis cahoteux, ayant l'exacte largeur de mon camping-car. J’avançais ainsi coincé entre colline et précipice, ignorant où menait ce chemin oublié des cartes. L’étroitesse de la voie ne me laissait guère d’autre choix que de poursuivre. J’espérais encore qu’il y aurait, plus loin, possibilité de faire demi-tour. L’incertitude me gagnait d’autant plus que ce pays affectionne les routes qui ne mènent nulle part. Pourtant, au détour d’un virage, apparut un de ces lieux que seul le voyageur égaré rencontre. Je me trouvai au milieu d’un village pierreux construit sur un promontoire dominant la mer Egée. Face à moi, lumineuse, contrastant avec l’ocre des autres bâtiments, se détachait une petite maison toute blanche. La porte était ouverte. Un très vieil homme en sortit, furtivement, pour savoir quel était l’arrivant, puis rentra. Dans l'encadrement de la porte,  je vis passer une ombre, silhouette courbée, comme pliée en deux.

 

Je décidai d'aller visiter ce village désert. J’empruntai à pied la route pavée et  poussiéreuse qui, entre les maisons à l'évidence abandonnées, montait jusqu'à un autre édifice blanc, une petite chapelle vers laquelle je me dirigeai. Derrière la grosse porte en bois qui se laissa pousser en grinçant, s'offrait un décor attendu: un Christ Pantokrator me regardait fixement, les doigts de la main droite reproduisant les initiales sacrées; Marie, la toute sainte Panaghia, tenait dans ses bras un bébé joufflu qu'elle ne regardait pas; dans un cadre doré, Saint Georges terrassait une nouvelle fois le dragon tandis que, sur l'iconostase, d'autres saints auréolés complétaient l'hagiographie. A la partie inférieure du panneau central, des ex-voto argentés reconstituaient l'anatomie des souffrances, des vœux et des remerciements. Quelques bougies éteintes émergeaient du sable soigneusement égalisé dans le chandelier placé à droite de l'autel.