Les amphictyons étaient, dans l’antiquité, les représentants de différentes cités, qui se réunissaient aux Thermopyles pour délibérer des affaires générales. La Société Hippocratique internationale a organisé à Kos, île natale d’Hippocrate, les troisièmes amphictyonies d’Hippocrate, consacrées à l’histoire de la médecine. Nous avions l’honneur d’y représenter la Faculté de Médecine de Montpellier, en donnant la conférence de clôture sur le thème : « Hippocrate, précurseur de l’éthique médicale.»

 

Kos est une superbe île du Dodécanèse, chargée d’histoire. Elle connut divers occupations: ottomane pendant près de quatre cents ans, puis italienne. Toutes furent imprégnées de massacres et d’horreurs, comme le sera, plus tard,  l’occupation allemande de la deuxième guerre mondiale : exécutions sommaires de résistants ou de simples patriotes et de soldats italiens,  déportation de tous les juifs. Pourtant, les images de la ville ombragée aux belles murailles sont faites de douceur, de calme et de convivialité. Le tourisme, majoritairement scandinave  et néerlandais y a imposé le vélo comme moyen privilégié de déplacement. Sur de larges pistes cyclables déambulent ainsi, de façon surprenante pour la Grèce, de nouveaux envahisseurs, pacifiques, qui donnent à la cité les allures d’une ville du Nord de l’Europe où seraient venus se perdre la mer Egée et son complice solaire.

 

Résistant aux drames de l’histoire, le syncrétisme y est élevé au rang d’institution : les mosquées dressent leur minaret, à côté des églises orthodoxes, de l’église catholique et de l’ancienne synagogue. Les ruines grecques, romaines, paléochrétiennes et byzantines s’éparpillent dans toute la ville, soigneusement entretenues, ou envahies d’herbes folles. Et le vieux platane dit d’Hippocrate à l’ombre duquel aurait enseigné le maître, survit telle une star sans âge, luttant contre les dégâts des ans à coup d’emplâtres cosmétiques et d’étais supportant ses trop lourdes branches. Ni lui ni ses rejetons ne mourront  de cette maladie qui décime, comme elle le fait dans nos régions, les magnifiques palmiers de Kos en quête vaine d’un moderne Hippocrate philodendre.

 

Organisées au siège de la Société Hippocratique, les amphictyonies ont vu se succéder à la tribune des orateurs Grecs, ou venus de divers pays d’Europe voire de plus loin encore. Au premier rang se côtoyaient fraternellement l’Imam de Kos et le Métropolite (équivalent, dans la religion orthodoxe de l’archevêque) de l’île, ainsi que différents membres de l’église orthodoxe. Le Dr Theofanis Dimopoulos retraça l’histoire de deux étudiants venus étudier la médecine à Montpellier en 1850 où ils passèrent leur thèse qu’il avait pu retrouver. Les descendants de l’un d’eux, la famille Plataniste, étaient présents dans la salle et purent avec intérêt remonter le cours de leur propre histoire. 

 

En marge du congrès, une magnifique cérémonie réunit, dans les ruines de l’Asclepion, sanctuaire ou officiait le maître des lieux, des médecins venus de conseils ordinaux de toute l’Europe et les participants aux amphictyonies. Au son doux et lancinant de flûtes champêtres tenues par de jeunes garçons en habit d’époque, un groupe de jeunes filles, toutes de blanc vêtues, descendirent le grand escalier central pour se rendre au lieu de prestation du serment, en Grec : O Orkos tou Ippokratis, récité par un homme couronné de lauriers, les bras levés vers le ciel dans le geste rituel de l’adorant antique.

Au loin, la mer Egée embellissait de son plus beau bleu le paysage somptueux où, deux mille quatre cents ans plus tôt, naquit la médecine moderne.